Isabelle Bossé, allergologue à La Rochelle et présidente du SYFAL (Syndicat français des allergologues), de l’ARCAA (Association de recherche en allergologie et astrologie) et vice-présidente de la FFA (Fédération Française d’Allergologie) et membre du CA de la Société Française d’Allergologie). La spécialiste fait le point sur les allergies, un vrai phénomène de société qui touche de plus en plus de personnes.
Le printemps est de retour et avec lui, les allergies saisonnières. Combien de Français sont concernés et par quel type d’allergène ?
Le nombre de français allergiques respiratoires est d’environ 9 millions, dont 6 millions rien que pour les pollens. Il s’agit surtout des pollens de graminées, mais aussi le pollen de bouleau, cyprès, frêne, olivier, et en fin de saison armoise et ambroisie en Rhône Alpes.
Plus globalement, quels sont les allergènes les plus courants ?
Ce sont les acariens, les pollens, et ensuite les animaux (chat et chien surtout), puis d’autres allergènes moins importants comme les moisissures.
Respiratoires, cutanées, alimentaires, médicamenteuses, quelques sont les allergies qui progressent le plus ?
Les allergies qui progressent le plus sont les alimentaires, qui ont été multipliées par 5 en 20 ans, et respiratoires, multipliées par 2 en 20 ans.
Connaît-on le poids économique des dépenses de santé liées à ces allergies en France ?
Les chiffres sont très difficiles à obtenir, car les allergies sont prises en charge par divers médecins (généralistes, allergologues, hospitalisations..) et il faut tenir compte des coûts indirect et pas de grande étude socio économique en France. Mais il y en a dans d’autres pays, en particulier aux Etats-Unis, et les chiffres doivent être à peu près similaires.
L’hygiénisme de nos sociétés occidentales est-il le seul responsable de cette explosion des allergies ? Est-ce un phénomène plurifactoriel et si oui quels sont ces facteurs ?
C’est plurifactoriel. Dans l’ensemble c’est le mode de vie occidental et notre environnement (polluants, tabagisme, réchauffement climatique…) hygiène trop poussé dans la petite enfance, modifications de notre flore bactérienne, changements dans notre alimentation, moins de diversité végétale, antibiothérapie systématique… autant d’éléments qui modifient les réponses immunitaires à notre environnement ce qui favorise la réponse allergique.
Les traitements classiques à base d’antihistaminiques et d’anti-inflammatoires sont-ils toujours efficaces ?
Oui les anti histaminiques sont la base du traitement des symptômes allergiques, les anti inflammatoires également surtout dans l’asthme, des nouvelles molécules sont à l’étude : anti IL 4, IL 5 IL 13 par exemple, anti Ig E… sont très prometteuses.
Existe-t-il des allergies plus problématiques et inquiétantes ?
Les allergies les plus inquiétantes sont les asthmes sévères, les allergies médicamenteuses graves, et les allergies alimentaires graves qui augmentent.
On parle de plus en plus de la désensibilisation. Est-ce le seul traitement curatif ? Est-il efficace et durable dans le temps ?
La désensibilisation ne concerne qu’une partie des allergies, respiratoires surtout. Elle est le seul traitement qui permet de modifier l’évolution naturelle de la maladie. Il existe également des accoutumances pour les aliments chez les enfants et les médicaments permettant de les tolérer.
Y-a-t-il un comportement et un style de vie à adopter pour éviter de développer une allergie pour soi-même et ses enfants ?
Si le mode de vie permet d’expliquer l’augmentation des allergies en général, cela ne s’applique pas aux cas particuliers. La prévention primaire n’a jamais démontré son efficacité, excepté pour le tabagisme passif.
En revanche une fois l’allergie déclarée, il faut la traiter et aménager son environnement le mieux possible en fonction de ses allergies.
C’est bien de traiter, mais il faudrait surtout travailler en amont pour éviter que ces allergies se déclarent. Que fait-on concrètement pour cela ? Pas grand chose. Pourquoi ne pas sensibiliser la population sur cette question ?