Le débat sur l’utilisation des nanoparticules dans l’alimentation et les cosmétiques s’est enrichi d’une nouvelle étude : des chercheurs ont démontré que le colorant E171 avait un effet cancérigène sur des rats. Une raison de plus de traquer ces particules aux effets potentiellement dévastateurs.
Un groupe chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) a publié fin janvier les premiers résultats de leur étude sur le dioxyde de titane (E171), un colorant largement utilisé dans l’alimentaire (en confiserie notamment) et en cosmétique. Le E171 est le plus souvent présent sous sa forme nanométrique, des particules 10 000 fois plus petites qu’un grain de sel. C’est cette dimension nanométrique qui pose particulièrement question, car le comportement de particules aussi fines, capables de traverser la plupart des parois de l’organisme humain, est encore mal connu, et potentiellement extrêmement dangereux.
En une semaine, des lésions cancéreuses chez 40 % des sujets étudiés
Cette étude est la première à exposer des rats à ce colorant tel qu’utilisé dans l’alimentation – les chercheurs l’ont acheté chez un fabricant d’ingrédients -, et aux doses moyennes ingérées par l’homme – 10 milligrammes par kilo de poids corporel. Les conclusions sont sans appel : le E171 traverse bien la paroi de l’intestin, puisqu’on le retrouve dans le sang et dans le foie des rats ; au bout de sept jours, les défenses immunitaires des animaux ont baissé ; et surtout des lésions cancéreuses se déclarent chez 40 % des rongeurs. Les scientifiques ont également généré artificiellement des tumeurs cancéreuses chez certains rats puis les ont exposés à l’additif : la taille de ces lésions a augmenté.
« On ne peut pas extrapoler sur cette seule base et conclure que le dioxyde de titane est cancérogène pour l’homme », précise Fabrice Pierre, directeur de recherche à l’unité Toxalim de l’Inra, un des responsables de l’étude. Mais cela mérite, clairement, une vigilance accrue : le gouvernement a diligenté l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pour déterminer si l’E171 présente un risque pour les consommateurs : ses conclusions sont attendues pour fin mars.
Manque de fermeté des pouvoirs publics
Le dioxyde de titane est classé depuis 2006 «cancérogène possible si inhalé» par le Centre international de recherche sur le cancer. L’Anses réclame depuis des années son classement comme « substance dangereuse », pour limiter ou interdire son utilisation dans les produits de grande consommation. On peut espérer que cette étude puisse aboutir à une prise de décision plus ferme des pouvoirs publics, et une législation plus contraignante.
Mais il faudrait déjà que les législations en place soit respectées : de nombreuses marques se contentent d’indiquer le nom des additifs dans la liste des ingrédients et refusent d’appliquer la mention « Nano » sur leurs emballages quand leurs produits contiennent des nanoparticules, alors que c’est obligatoire depuis 2015.